Interview : Julien Tuffery
« L’Atelier Tuffery est un atelier de confection de jeans et de blousons créé par mon arrière grand’père et basé à Florac dans les Cevennes. Je suis la 4ème génération »
« La laine, le chanvre, le lin ? Des fibres innovantes que mon arrière grand’père utilisait déjà à l’atelier il y a 125 ans »
« En fait, dans notre métier, on fait comme les start-ups du digital mais on remplace l’ordinateur par une machine à coudre »
Franchement Bien :
« Bonjour Julien, tu diriges l’Atelier Tuffery créé en 1892 par ton arrière grand’père. Vous fabriquez à Florac, dans les Cevennes, des jeans et des blousons. Peux-tu nous raconter ce qu’il se passe de Franchement Bien à l’Atelier Tuffery ?
Julien Tuffery :
On fait des choses “franchement bien” à l’atelier depuis 1892 !
Le « made in France », on ne sait faire que ça et on le fait depuis le début. Nous travaillons avec des fournisseurs de la région et nos ateliers sont sur-place.
C’est aussi ce qui a failli nous mener à la fermeture en 1985, puisqu’à cette date, les 3 derniers fabricants de jeans en France étaient …mon père et mes 2 oncles! A cette époque là, le grand public ne considérait pas que la fabrication artisanale de jean en France était Franchement Bien.
Aujourd’hui, le fait de vendre en direct par internet, sans intermédiaires, nous permet de tenir des prix serrés et corrects. On peut pousser plus loin le circuit court et travailler sur le développement des fibres que l’on peut sourcer localement. Par exemple, le Chanvre peut pousser devant chez nous dans les Cevennes : pas d’eau, pas de produits chimiques, on utilise toute la fibre. En plus, c’est super joli et franchement confort.
Franchement Bien :
« Et humainement, dans les ateliers, beaucoup de choses ont changées depuis 1892 ? »
Julien Tuffery :
Oh franchement oui!
Aujourd’hui, les mains qui font sont aussi les mains qui vendent.
Nous avons à cœur de « rendre la valeur » aux mains qui fabriquent. Notre culture historique est l’artisanat. Avant, tout le savoir-faire était détenu par mes oncles et mon père : c’était un risque pour l’atelier.
Aujourd’hui, nous souhaitons réinventer ce métier. On doit adapter les conditions de travail, il n’est plus possible de laisser une personne 8 heures/jour devant une machine à coudre. En fait, dans notre métier, on fait comme les start-ups du digital mais on remplace l’ordinateur par une machine à coudre et on adopte les mêmes codes : polyvalence, formation, créativité, temps d’échange, yoga, sport…
On ne reviendra jamais aux cadences d’autrefois, même si c’était plus productif et rentable. On préfère fabriquer 10 fois moins… mais 10 fois mieux.
Un de nos plus gros enjeu est la transmission du savoir. Il faut un an pour être formé sur l’ensemble des postes de confection et être polyvalent.
Pour recruter : la compétence de tailleur/confectionneur de jean n’existe pas donc on recherche plus un savoir-être, un savoir vivre, de la créativité et surtout l’envie d’apprendre. La formation dure un an chez nous.
On a écrit sur nos livrets d’accueil : » A l’issue de l’année de formation, si on disparait tous, vous aurez acquis la capacité de reprendre l’atelier pour les siècles à venir »
Franchement Bien :
« Que vous faites de franchement bien pour la planète ? »
Julien Tuffery :
pourquoi aller chercher loin ce qu’on a devant notre porte. Ne pas sur-produire. Chercher des fibres éthiques. respecter les personnes qui fabriquent. Proximité avec le client.
Avoir la conscience de la valeur des choses.
Je suis persuadé que nos petits enfants réflechirons à leurs achats en coût planète.
Un jean à 15 euros venu de l’autre bout de la planète, nos petits enfants ne l’achèteront pas car son cout planète sera trop élevé.
Par contre, ils acheteront le jean Tuffery à 100 euros car le cout planète sera bon marché puisqu’écologiquement et humainement irreprochables.
Je pense que la métamorphose de l’industrie textile ne fait que commencer et que le tournant va être serré pour aller sur des modeles vertueux
Franchement Bien :
Merci Julien et Franchement Bravo !